Tout savoir sur les Chief Happiness Officers (CHO) : l’interview de Caroline Renoux

Caroline Renoux, Fondatrice et dirigeante de Birdeo, a été interviewée avec Olivier Toussaint, Co-fondateur du Club des Chief Happiness Officers, lors de l’émission d’Ekopo « Pour un Monde Meilleur », modérée par la journaliste Nathalie Croisé. L’occasion de faire le point sur ce nouveau métier.

Nathalie Croisé : Comment définir l’économie positive, la valorisation et l’évolution du management ?

Caroline Renoux : Fondé en 2010, Birdeo est focalisé sur les métiers des nouveaux enjeux sociétaux correspondant à la responsabilité sociale de l’entreprise, au développement durable et à l’économie sociale et solidaire. L’économie positive met l’homme, la femme et l’environnement au cœur de son système. Plus spécifiquement, les entreprises de l’économie positive sont contributives : elles cherchent à avoir un impact positif sur leur environnement ainsi qu’au niveau social et sociétal.

Olivier Toussaint : On peut schématiser en deux axes : humain et écologique. C’est l’ensemble des actions du monde économique mises en commun qui pourront avoir un impact économique sur ces choses. On s’occupe déjà de l’humain mais la dimension écologique est essentielle aussi. L’ensemble des deux, l’humain et la planète, constituera le monde de demain et son bien-vivre.

NC : Que sont les Chief Happiness Officers ?

CR : On parle des CHO ou Chief Happiness Officers depuis un an et demi environ. Il y a quelques mois, j’ai d’ailleurs recherché un consultant CHO pour un client et il y a eu plus de 1 000 réponses, du jamais vu.

OT : Les CHO sont des sortes de DRH qui doivent faciliter le quotidien des collaborateurs, en mettant en place des actions favorisant le bien-être en entreprise et aussi l’utilité de l’entreprise dans son environnement. L’idée en est venue du ras le bol en écoutant le ton pessimiste des actualités alors qu’il y a des choses formidables qui se font, qu’il faut regarder et donc changer son prisme. Cette idée a rencontré un succès tel en moins d’un mois, avec plus de 100 000 fans sur Facebook et des passages à la radio et à la télé, que nous avons fait une campagne de crowdfunding permettant avec l’aide de finances, d’essayer de trouver le bon modèle économique sans dénaturer et avec un impact significatif et positif sur les entreprises aujourd’hui. Les clubs CHO représentent encore peu de personnes : 120 à 150. Il faut parler de ce job, c’est ce que nous continuons à faire. C’est une vision à défendre et c’est l’affaire de tous.

CR : Cela fait très longtemps que le bien-être salarié est un sujet important. Cela devient aujourd’hui un métier à part entière. Il y a deux grandes catégories de CHO : ceux focalisés sur l’individu, c’est-à-dire le bien-être au travail en termes de compétences et de fonctions, ils sont assez proches des RH et Office managers facilitant la vie des collaborateurs et une autre façon d’aborder ce métier en agissant à la fois au niveau du bonheur au travail avec un rêve partagé dans l’entreprise pour que celle-ci soit utile à son environnement. Le CHO est très proche de la direction qui va agir sur la gouvernance et permettre à l’entreprise de se développer. Il y a déjà quelques signaux faibles dans ce sens mais c’est compliqué à faire. Certains se sont lancés (groupe KV, Michelin…) cela produit des résultats et petit à petit après les pionniers il y aura les suiveurs.

OT : C’est intéressant de voir ceux qui expérimentent et ceux qui y arrivent comme c’est toujours le cas. Cela l’a été pour le tournant du digital avec maintenant des Directeurs digital marketing. C’est le passage stratégique pour donner un axe supplémentaire. Il y a trois phases : l’individu, la culture d’entreprise et la société. Les attentes des collaborateurs ne sont plus les mêmes. Dans une étude Manpower en 2016, sur 19 000 jeunes de 25 pays, 30 % ne mettent pas la priorité sur leur carrière mais plutôt sur la possibilité de développer ses compétences à travers le travail et lui donner du sens, avoir un impact sur la société, être utile à quelque chose. Le salaire n’est plus cité en 3e position comme il y a deux ans mais en 5e. Des sociétés ont commencé une approche dans ce sens en organisant par exemple une journée de temps en temps en situation participative. Ainsi, une banque importante avait organisé pour ses développeurs un concours basé sur les jeux vidéo. Pourquoi ne pas aller plus loin ensuite et donner ces jeux vidéo à des enfants malades dans les hôpitaux ? Il faut changer sa façon de voir les choses, rendre les gens heureux, les épanouir.

CR : En effet, je suis chasseuse de têtes depuis presque 20 ans et auparavant les gens mettaient en priorités un bon salaire, un joli titre et une progression de leur carrière. Mais les années ont passé. Les jeunes générations disent avoir envie de donner du sens à ce qu’ils font et même les générations qui travaillent depuis longtemps, voire très longtemps. Aujourd’hui il est donc important que les CHO ne se contentent pas de s’occuper du bien-être au travail mais aussi de faire en sorte que la gouvernance de l’entreprise puisse créer du sens avec ce fameux rêve partagé par la société.

NC : Est-ce que le poste de CHO serait à réserver aux jeunes ou aux plus âgés ?

OT : Tout d’abord, malheureusement Il y a beaucoup de demandes mais peu de postes. C’est un métier où il vaut mieux avoir un minimum d’expérience comme un RH (ou DRH), avec de la psychologie ayant trait à l’humain. On observe maintenant certains employeurs le prenant à bras le corps et c’est une décision du DG ou Co-Directeur qui va faire cela sérieusement, l’une des façons pouvant être aussi de commencer avec un stagiaire en vue d’un premier job pour essayer et voir comment cela va se passer.

NC : Quelle est la typologie des entreprises intéressées par des CHO ?

CR : Aujourd’hui il s’agit surtout des start-up dont les enjeux sont de recruter et retenir leurs collaborateurs. Mais on espère la diffusion dans les autres entreprises car les salariés veulent donner du sens à leur travail puisque pour certains le salaire n’intervient qu’en 3e ou 4e position et toute une catégorie d’emplois précaires a besoin d’un peu de bonheur au travail.

OT : Oui c’est du bon sens. L’enjeu est vital pour les start-up mais également les grandes structures. De moins en moins de grands groupes attirent les collaborateurs avec leur image « grands groupes ». 80 % de jeunes au Forum de Jeunes veulent commencer leur vie professionnelle par une start-up, ce qui n’était pas le cas précédemment. L’image de l’entreprise passe à travers l’individu et s’il ne se sent pas bien du fait de l’image, cela peut devenir difficile pour l’entreprise de recruter et garder ses talents.

NC : Le CHO est-ce de la com ?

OT : Oui c’est de la com et ce serait bien naïf de dire que c’en est pas. Si on a choisi un nom anglais, cela part de là mais cela ne se limite pas à cela. Des médias dépeignent juste le côté cosmétique : doit-on se contenter de cette image là ou pas ? C’est un beau métier, je n’ai pas la prétention de dire s’il existera dans 5 ans, tout comme d’autres métiers, en même temps c’est une belle envie de porter ce projet global et ce qui compte c’est que cette thématique soit intégrée dans chaque esprit.

CR : Evidemment c’est de la com mais en même temps un nouveau métier est en train de se structurer. Il y a quelques années on parlait de green washing et maintenant c’est compliqué de faire du green washing. Pour les CHO c’est pareil. On aura du happiness washing une fois que les entreprises auront appris, cela va se structurer. En revanche je pense que l’enjeu est important pour les CHO d’aujourd’hui avec aussi l’initiative des Clubs CHO, de dire comment faire afin que ce métier devienne un vrai métier et non pas un gadget. Le Directeur développement durable n’est pas amené à disparaître, on en aura toujours besoin, il sait le mieux parler avec les parties prenantes, c’est un catalyseur.

NC : Il y a un enjeu économique car les chiffres montrent le coût social du stress estimé en France entre 2 et 3 milliards d’euros, sans parler des 500 000 salariés en souffrance manifestement pathologique, des suicides et puis derrière des enjeux de productivité.

OT : C’est comme le développement durable, ce sont des sujets gagnants pour tout le monde. En termes d’efficacité de productivité et de chiffres, un collaborateur épanoui va donner davantage que celui qui compte ses heures et vient juste par conscience professionnelle. En même temps cela peut avoir un impact sur la santé publique.

CR : Le CHO fait partie de l’économie positive. Une entreprise est là pour apporter du bien-être à la société mais pas pour abîmer la planète. Beaucoup de CHO sont focalisés sur le bien-être des collaborateurs, c’est la base mais ce n’est pas suffisant. Je pense aux start-up qui ont un CHO et ne doivent pas penser juste à recruter les personnes et les garder, mais aussi tirer vers le haut et se dire qu’elle est ma contribution dans la société.

OT : Il ne faut pas se contenter d’être bien mais essayer de rendre tout le monde heureux. L’idée de base concernant les CHO : si c’est un métier tant mieux et si ce n’est pas accepté encore dans l’entreprise, ce n’est pas problématique. On commence par agir sur les décisionnaires qui ont le plus d’impact dans les entreprises. Chaque manager devient CHO en lui donnant les clés. C’est un sujet porteur. On n’a aucune idée de ce que sera le métier de demain, si ce sera autre chose que les CHO, quelque chose d’inexistant encore, ce n’est pas grave, ce qui compte c’est que cette thématique soit intégrée dans les entreprises.

CR : Grâce à l’innovation technologique et managériale qu’il ne faut pas négliger, les CHO ont beaucoup à faire avec des entreprises pionnières qui testeront et les autres qui suivront.

 

Retrouvez le podcast de cette interview sur Ekopo, le média de l’économie positive

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