Le 20 mai, nous avons eu le plaisir de recevoir Edmond d’Arvieu, Ex-Directeur de la sûreté et de la gestion crise monde au sein de deux groupes industriels et ancien Officier de Marine. Grand témoin lors de cette conférence, il a partagé son regard sur les stratégies ESG, qu’il aborde par le prisme de la gestion des risques et des crises sur l’ensemble des chaînes de valeur.
Risques et ESG : un changement de paradigme nécessaire
Les chaînes de valeur sont aujourd’hui exposées à de multiples menaces : dérèglement climatique, tensions géopolitiques, cyberattaques, pénuries, corruption, criminalité environnementale et sociale…Dans ce contexte instable, les stratégies RSE ne peuvent plus se limiter aux innovations environnementales et sociales visant à réduire les externalités négatives.
« Une stratégie ESG cohérente, c’est donc une stratégie des affaires qui doit compter avec l’incertitude, les vulnérabilités et les menaces. C’est ce changement de regard qui crée aujourd’hui un véritable avantage compétitif entre une entreprise engagée et une entreprise durable. » – Edmond d’Arvieu
Pour Edmond d’Arvieu, les entreprises, les grands groupes en première ligne, doivent opérer un changement de culture fondé à la fois sur l’intelligence stratégique sur le terrain et la gestion du risque.
Faire de la résilience un avantage compétitif
Fraudes, ententes illicites, non-respect des droits humains ou greenwashing : certaines entreprises contournent encore les règles, en contradiction flagrante avec leurs engagements RSE. Ces dérives, bien que risquées, traduisent des arbitrages court-termistes. Or, la multiplication des exigences réglementaires et la croissance des menaces rendent indispensable une stratégie d’anticipation.
« Si l’on veut vraiment sécuriser ses chaînes de valeur, il ne suffit pas d’en faire un sujet de compliance ou de gouvernance technique. Il faut aussi en comprendre les zones grises et les risques de déstabilisation. » – Edouard d’Arvieu
La résilience ne relève plus d’une simple démarche de conformité et d’un pilotage par le reporting. L’entreprise saura crée un avantage concurrentiel durable en développant une intelligence stratégique de terrain pour s’adapter rapidement aux réalités locales.
Criminalité environnementale : angle mort des stratégies ESG ?
Les chaînes de valeur se complexifient : une opacité croissante qui profite au développement de la criminalité et de la corruption à travers le monde.
Edmond d’Arvieu estime que les modèles d’affaires ignorent trop souvent l’ampleur de « la criminalité environnementale » (exploitations forestières et minières illégales, pêche illicite, trafic d’espèces, trafic de déchets, etc.). Cette criminalité organisée prospère et infiltre l’économie légale (250 à 300 milliards de dollars par an d’après l’ONU).
Directement connectée aux chaînes d’approvisionnement légales, elle alimente les conflits armés, détruit les écosystèmes et compromet les droits humains. Les entreprises, souvent involontairement complices, s’exposent à des risques juridiques, réputationnels et financiers considérables.
Or, pour notre expert : « La RSE n’est plus un bonus d’image. Elle devient une condition de légitimité. » C’est pourquoi, il recommande d’intégrer intégrer les menaces criminelles susceptibles de frapper sa chaîne de valeur dans son analyse de double-matérialité. La lutte contre ces risques devient une condition sine qua non de la durabilité des modèles d’affaires.
Structurer une gouvernance résiliente
Edmond d’Arvieu plaide pour une gouvernance de la résilience s’illustrant par sa transversalité entre les expertises clés pour faire face aux risques. Son objectif, répondre à la complexité des enjeux opérationnels en construisant « un modèle orienté vers le terrain des chaînes de valeur, et qui articule tous les dispositifs de prévention, de conformité, de sécurité, de durabilité, non plus en silos, mais en synergie. »
3 leviers clés :
- Identifier les menaces sociales et environnementales en analysant actifs stratégiques, chaînes d’approvisionnement, parties prenantes et données publiques ;
- Cartographier les exigences réglementaires pour construire un référentiel de conformité global ;
- Traiter les risques grâce à une intelligence stratégique renforcées par des enquêtes de terrain, afin de comprendre les pratiques locales, les tensions, les influences, et prévenir fraudes.
Cette approche doit également inclure une résilience humaine, par la sensibilisation et la formation des équipes. Car, selon Edmond d’Arvieu, les menaces et les crises peuvent naître en interne.
Edmond d’Arvieu explique que la crise n’est plus une éventualité mais une certitude : seules comptent désormais la préparation et la capacité d’adaptation. En structurant une gouvernance claire, des plans de continuité partagés et des mécanismes d’action rapide, les entreprises posent les bases d’une réponse efficace. La gestion de crise révèle ainsi la maturité d’une organisation et devient un pilier incontournable de sa stratégie RSE.