Les grandes banques et la finance responsable : Interview de Denis Childs, Société Générale CIB Positive Impacts Finance.

Birdeo : Quel chemin vous a conduit à la Finance Responsable ?

Denis Childs : Ma carrière est fondamentalement tournée vers les économies émergentes. Il existe clairement une convergence entre les problèmes environnementaux de la planète et les problématiques économiques des pays émergents. Ces pays émergeront grâce à la prise en compte des ODD par l’ensemble des nations et au développement du secteur privé dans ses économies. Ceci sera, par ailleurs accéléré, par la 4ème révolution industrielle qui commence à prendre place. Ces projets nécessitent d’importants investissements que le secteur bancaire devra financer.

J’ai intégré la SG en 1978. Après 40 ans de carrière, je suis toujours émerveillé par le fait qu’il y ait toujours de nouvelles choses à apprendre et à découvrir.

Ce qui me donne envie de me lever tous les matins ? Financer des projets que le secteur de la finance classique ne finance pas. Depuis 15 ans, j’aide les clients de la banque à mener des projets aux impacts environnementaux et sociaux vertueux.

Birdeo : Quel a été le point culminant de votre carrière ?

DC : A 40 ans, j’étais un des quarante Partners de la banque. Si ma carrière était une montagne russe, cette période serait clairement un sommet.

En 2008, je me suis lancé dans un nouveau challenge en prenant la tête du département Développement Durable du CIB, un projet de Groupe visant à intégrer les dimensions environnementales et sociétales comme un sujet financier dans toutes les activités de la banque. C’était la naissance de la Finance d’Impacts Positifs : un autre sommet de mes montagnes russes. S’en suivent plusieurs périodes : au début, on m’a pris pour un fou. Ensuite, face aux premiers résultats, finalement, mes détracteurs ont commencé à se dire que c’était peut-être une bonne idée. Ensuite, ils furent obligés de constater que cela fonctionnait et qu’il fallait le faire sinon ce seraient les autres qui allaient le faire à notre place.

Birdeo : Quel est le profil type pour vous rejoindre dans la Finance d’impacts positifs ?

DC : Il faut être curieux et ouvert sur le monde, résilient et inventif. De même, il faut que les postulants soient désireux de travailler avec les économies émergentes. Désormais, il convient donc de disposer d’une sincère appétence pour les sujets du Développement Durable.

Birdeo : Que faîtes-vous pour les garder motivés ?

DC : Je m’occupe de leurs carrières, aussi bien au sein du Groupe qu’à l’extérieur. Ceux qui restent sont ceux qui affichent des objectifs ambitieux mais crédibles par rapport à leurs compétences.

Est-ce que la rémunération joue un rôle important pour les garder motivés ? Il y a 30 ans, la banque était un secteur où l’on entrait avec un petit salaire. Aujourd’hui, ces profils n’existent plus. Sur le secteur, entre 1990 et 2010, les salaires ont explosé et je suis persuadé que cela a eu tendance à tuer l’ambition naturelle chez nos jeunes arrivants. Ils n’avaient plus besoins d’être performants pour toucher leurs bonus. Surtout, ils avaient tendance à être en compétition car plutôt motivés par le gâteau à se partager que par la vraie création de valeur.

Aujourd’hui, je leur explique qu’il y a toujours possibilité de bien gagner sa vie mais pour cela il faut créer de la valeur.

Birdeo : Quel avenir pour votre banque ?

DC : Un avenir radieux et plein de bonnes surprises. Depuis 1864, la Société Générale a connu des hauts et des bas. Parfois, elle a su étonner et je prédis que d’ici 5 ans, elle va de nouveau vous étonner. La SG est une banque « sexy » qui attire toujours les jeunes talents et qui se fait forte de merveilleux enjeux industriels et humains.

Birdeo : Quelle place pour la Finance Durable ?

DC : Notre secteur est résolument orienté vers l’avenir. A l’origine, seules les entreprises du CAC40 investissaient dans des green bounds. Aujourd’hui, c’est devenu un vrai business florissant.

C’est un sujet passionnant mais difficile car motivé par les impacts que subit notre environnement et ses humains : augmentation exponentielle de la population mondiale et prédominance des enjeux climatiques. D’ailleurs, est-ce que la mondialisation est un frein ou une chance ? Même, si les sujets dont on vient de parler semblent aujourd’hui purement franco-français, force est de constater que les économies du Sud sont à l’origine d’actions à forts impacts positifs : comme par exemple, les smart-cities au Brésil ou en Afrique. J’aime à penser que la « mondialisation positive » existe.

Aujourd’hui, je suis persuadé que cette structuration positive doit être intégrée dans toutes les stratégies des secteurs de l’Industrie et des Services. En effet, la croissance de la population à 9 milliards avant 2050 créera des formidables occasions de business. La Finance de demain doit aborder le marché avec les besoins essentiels de la population : logement, accès à l’énergie et l’eau, sécurité alimentaire, transport, santé, et enseignement, tandis que la considération des limites de la planète exigera de nouvelles technologies et des modèles économiques inédits et innovants. C’est cet exercice que j’ai appelé : « la structuration de l’impossible ». En effet, le principal obstacle, qui est aussi la principale responsabilité du secteur financier, sera de combler l’important fossé entre les moyens et les besoins de financement de cette économie responsable et durable. L’ONU estime le besoin annuel en investissement entre 1300 Milliards de dollars et 9600 Milliards. Fondamentalement, cela ne pourra passer que par la création à long terme d’une nouvelle dette vertueuse et maîtrisée. Un grand projet pour le secteur financier de demain, avec de belles ambitions et de grandes responsabilités.

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